Le tribunal correctionnel de Nanterre condamne Gabriel Mpozagara, ancien ministre au Burundi et ex-ambassadeur de l’Unesco, ainsi que son épouse. Pour : « esclavage moderne » , « soumission à un travail forcé » et à des « conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité ».
«J’ai été réduit en esclavage.»
Le 9 septembre dernier, au tribunal de grande instance de Nanterre, Méthode S. a clamé haut et fort que ses anciens employeurs l’avaient exploité pendant des années.
Methode Sindayigaya, ancien cultivateur burundais de 39 ans, raconte à l’audience comment il a été « réduit en esclavage moderne », pendant dix ans dans la maison du couple. Avant que des ouvriers intervenant dans le domicile n’alertent les autorités, en juillet 2018.
Pendant dix-neuf heures par jour, il fait la lessive, le repassage, la cuisine, le ménage, le jardinage. Il prend également soin d’un des fils du couple, qui souffre de handicap. Couche près d’une chaudière au sous-sol, il se lave « au robinet avec un seau », avait-il décrit. Tout en ajoutant qu’il vivait loin de sa famille et que ses employeurs lui avaient confisqué son passeport.
Une précédente affaire
Les époux Mpozagara avaient déjà comparu en 2007 dans ce même tribunal : ils avaient été condamnés mais relaxés ensuite en appel dans un dossier similaire qui concernait deux jeunes nièces venues du Burundi. Ces dernières ont plaidé leur cause auprès de la Cour européenne des droits de l’homme. En 2013, le Parlement français a introduit dans le code pénal le travail forcé et la réduction en esclavage.
En effet, les Franco-Burundais sont poursuivis pour «traite d’être humain», «travail dissimulé», «emploi d’un étranger sans titre». Des délits qui pourraient leur valoir jusqu’à dix ans de prison et 1,5 million d’euros d’amende au titre de l’article 225-4-2 du Code pénal.
Lors de l’audience, la défense des prévenus s’est élevée contre l’évocation de cette précédente affaire, arguant qu’«il n’y avait pas récidive puisqu’il n’y avait pas eu de condamnation», et a dénoncé un «acharnement» à l’encontre du couple de septuagénaire. Sur le fond du dossier, les avocats ont assuré que Méthode S. «était considéré comme un membre de la famille, donc était traité comme les autres et aidait comme les autres». Candide Mpozagara a en outre affirmé que «Méthode était libre comme l’air, adulte et vacciné». Une argumentation qui n’a pas convaincu le ministère public.
Finalement, lundi 21 octobre, les juges ont condamné les époux Mpozagara à deux ans de prison avec sursis et trois ans de mise à l’épreuve – une peine inférieure à celle réclamée par le ministère public. Ils devront également verser 70.000 euros à la victime et 526.000 euros à l’Urssaf.
40 millions d’esclaves dans le monde
Selon l’Organisation internationale du travail (OIT) et la Rapporteuse spéciale sur les nouvelles formes d’esclavage – un mandat créé par l’ONU en 2007 –, l’esclavage contemporain touche aujourd’hui plus de 40 millions de personnes à travers le monde.
Les formes d’esclavage contemporain ne sont pas toutes prises en compte dans les estimations fournies par la Fondation australienne Walk Free et l’OIT. Manquent ainsi les victimes de trafic d’organes ou encore les enfants soldats.
Aujourd’hui, plus de 70 % des victimes sont des femmes – surreprésentées dans les formes d’exploitation sexuelle et de mariage forcé. Une victime sur quatre est un mineur.