La sexagénaire, qui souffrait d’importantes douleurs, est morte d’un arrêt cardiaque le 12 septembre dernier. L’ambulance du Samu a mis environ une heure à arriver, malgré les appels répétés de ses proches.

Une femme de 62 ans est décédée le 14 septembre dernier à La Chapelle-sous-Chaux. Ce samedi-là, à l’issue d’un déjeuner en famille, la sexagénaire se plaint de douleurs et se retire dans sa chambre. Inquiète, sa fille finit par appeler le Samu, une première fois à 15h22.

La conversation dure deux minutes, lors desquelles la jeune femme indique que la sexagénaire prend un traitement pour l’hypertension, et qu’elle souffre du bras gauche. « Vous savez, il y a beaucoup de gastros en ce moment », lui répond-on, selon la retranscription téléphonique dont France 3 a pris connaissance. L’opératrice assure qu’une ambulance devrait arriver d’ici à peu près une heure.

 

« Parce qu’elle avait juste une gastro hein… »

 

À 15h39 puis à 15h52, la jeune femme rappelle le Samu, car l’état de sa mère se dégrade. Alors que la famille entame un massage cardiaque, le Samu annonce l’envoi d’une autre équipe médicale, en plus de son ambulance. À 16h05, c’est le mari de la future défunte qui appelle les secours pour demander pourquoi les secouristes ne sont pas encore là. « Parce qu’elle avait juste une gastro hein… Alors euh. Et le SMUR va arriver », répond la médecin à la régulatrice des appels.

« Si elle décède ce sera de votre faute », se désole encore l’homme au téléphone. C’est ce qui finit par se passer, quelques minutes plus tard, la sexagénaire succombant d’un arrêt cardiaque.

Deux jours plus tard, le 16 septembre, la famille a déposé une plainte pour « non-assistance à personne en danger », requalifiée ensuite en « homicide involontaire ». « Les pompiers de Giromagny et Offemont sont à trois minutes du domicile de ma mère », se désole auprès de France 3 Anne-Sophie Forni Greffier, qui dit « ne pas comprendre » : « J’ai été claire sur les symptômes de ma mère, ils sont partis sur une autre chose… Il a fallu attendre 40 minutes avant qu’une ambulance arrive, une heure avant que le Samu soit là. »

La non-assistance à personne en danger consiste à s’abstenir de porter secours à quelqu’un qui est en détresse. Cette abstention est punie par la loi. L’auteur de la non-assistance à personne en danger peut être poursuivi en justice au pénal et au civil. L’homicide involontaire est l’acte par lequel une personne donne la mort à autrui sans avoir eu l’intention de la donner.

 

La piste d’un numéro d’appel unique

 

Depuis quatre ans, tous les appels au 15 en Bourgogne-Franche-Comté ont été centralisés dans un unique centre, à Besançon. Le CHRU de la ville, dont dépend ce standard téléphonique, s’est retranché derrière le secret de l’enquête en cours et n’a pas souhaité commenter cette affaire. Quant à l’Agence Régionale de la Santé, elle a simplement indiqué que des « échanges » étaient en cours avec les hôpitaux.

Ce drame en rappelle d’autres, survenus les mois derniers. Le 13 juin dernier, une femme de 60 ans avait été retrouvée morte chez elle dans son lit, dix jours après l’appel de son employeur au Samu car elle souffrait de nombreuses douleurs.

En décembre 2017, c’est une jeune femme de 22 ans, Naomi Musenga, qui décédait à Strasbourg, faute de prise en charge par le 15 du Bas-Rhin qu’elle avait pourtant appelé car elle avait « très très mal ».

En réaction, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a plusieurs jours indiqué son souhait de lancer un numéro d’appel d’urgence unique, pour obtenir plus d’efficacité dans la chaîne des secours. Mais, malgré ces intentions, ce projet n’a toujours pas été mis en œuvre.

 

«J’attends qu’ils reconnaissent leurs torts»

 

«Ce qui se passe dans ce dossier, c’est que la famille a été confrontée à l’horreur d’une situation. Ma cliente a dû réanimer sa mère avec l’aide de son père. Elle a dû prodiguer des actes de soins», explique à France 3 Me Camille Gaudineau du barreau de Mulhouse. «On ne dit pas qu’une arrivée plus précoce du Samu aurait sauvé la vie de Mme Greffier, mais cela aurait évité à la famille d’être confrontée à ce terrible huis-clos», poursuit-elle.

«J’attends qu’ils reconnaissent leurs torts. J’ai été claire sur les symptômes de ma mère, ils sont partis sur une autre chose, explique Anne-Sophie Forni Greffier à France 3.Il a fallu attendre 40 minutes avant qu’une ambulance arrive, une heure avant que le Samu soit là. Je ne comprends pas».

«La préoccupation première de cette famille, c’est l’inquiétude sur l’évolution de services de secours qui fonctionnaient avant, conclut l’avocate. Il y a une démarche d’altruisme de la part de la famille d’Edith Greffier. Pour que cela n’arrive pas à d’autres gens. On veut éviter que cela se reproduise».