Les députés ont voté mercredi soir l’article 57 du projet de loi de finances, qui prévoit l’expérimentation, pendant trois ans, de la surveillance des plates-formes en ligne à des fins de lutte contre la fraude fiscale.

La commission des finances de l’Assemblée nationale a adopté, mercredi 6 novembre, l’article 57 du projet de loi de finance pour 2020. Même si elle l’a très légèrement restreint, cette dernière a préservé l’essentiel de ce texte. Cela va permettre aux services fiscaux et douaniers de collecter massivement des données des Français sur les réseaux sociaux pour détecter certaines fraudes au moyen de programmes informatiques.

« Où la surveillance se fera ? »

Facebook, Instagram, Twitter, Leboncoin ou encore eBay font par exemple partie des plates-formes dont les contenus postés publiquement par les utilisateurs pourront être récoltés et scrutés par les autorités.

Un article compatible avec le droit européen ?

Les députés ont donné leur feu vert malgré l’avis très sévère de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Celle-ci dénonçait en septembre le caractère très intrusif de ce texte dans la vie privée des internautes. Le gendarme des données personnelles avait rappelé que le fait que les données soient librement accessibles en ligne n’octroyait pas le droit à l’Etat de s’en servir comme bon lui semble. Et notamment pour procéder à « une collecte générale préalable », et non plus seulement à une surveillance ciblée en cas de « doute » ou de « suspicions ».

« Une expérimentation de trois ans »

Le 6 novembre, la commission des finances de l’Assemblée nationale restreignait légèrement le dispositif. Elle limitait par exemple les fraudes détectable comme les activités non déclarées, l’économie souterraine et les infractions en matière de domiciliation fiscale. Elle avait aussi limité à cinq jours la conservation de données sensibles contre trente à l’origine. De plus, elle interdit le recours à des sous-traitants pour aspirer ces données. Le rapporteur général de la commission, Joël Giraud, a répété qu’il s’agissait d’un dispositif expérimental, d’une durée de trois ans.

Mais cela ne suffit pas à apaiser les inquiétudes des députés opposés à cet article. « On va établir une surveillance globale et généralisée », déplore la députée Véronique Louwagie. « On pourrait admettre une technique de cette nature vis-à-vis de groupes ciblés envers lesquels il y a une suspicion de fraude. Mais là, il n’y a pas de limite », a-t-elle déclaré, regrettant un manque d’information sur le volume des données qui seraient collectées.

« Le projet de loi de finance »

Le Conseil d’Etat estime, dans son avis au gouvernement, que l’article 57 n’avait rien à faire dans la loi de finance car il aurait pu prendre la forme d’un décret et, par ailleurs, ne « concerne ni les ressources ni les charges de l’Etat ». Un fait susceptible d’entraîner sa censure si le Conseil constitutionnel venait à se prononcer à ce sujet. Le Conseil d’Etat a par ailleurs estimé, contrairement à la CNIL, que le projet du gouvernement ne posait pas de problème particulier en matière de protection des données personnelles.

De quoi animer les débats lors de la discussion en séance publique du projet de loi de finance. Philippe Latombe se prépare à ferrailler : « Ce dispositif n’est pas prêt, il n’y a pas d’étude d’impact, on ne sait pas ce qu’ils cherchent, sur combien de contrôles cela va déboucher, combien de données seront aspirées. On ne sait rien du tout. Bercy ne se pose pas suffisamment la question des libertés publiques ! », tempêtait-il auprès du Monde, peu avant les débats en commission.

« Quels éléments et quel usage cette surveillance a ? »

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