Un chirurgien du dos grenoblois est mis en cause par des dizaines d’ex-patients pour des « accidents médicaux ». A ce jour, ils seraient 80 à s’être fait connaître.
FAITS
Un chirurgien grenoblois spécialisé dans les opérations du dos est accusé par plusieurs de ses patients d’opérations injustifiés. Mais également d’un mauvais suivi post-opératoire leur laissant de lourdes séquelles.
A la fin de l’année 2016, la CPAM découvre 54 dossiers suspects de patients du docteur sur 2013 et 2014. Sur les 54 dossiers retenus, 30 patients ont eu des séquelles allant jusqu’à l’amputation. Suite à cela, la CPAM saisit la justice pour « escroquerie et mise en danger délibéré ». En janvier 2019, le conseil national de l’ordre des médecins décide de suspendre le docteur. Pour une période de 3 ans dont 18 mois avec sursis. Pour des opérations injustifiées, il devrait rembourser 35 302€ à la CPAM. Le parquet de Grenoble a ouvert une enquête préliminaire pour « mise en danger d’autrui » à la suite de nouvelles plaintes.
80 PATIENTS
Il y a une semaine, l’avocat, qui s’occupe déjà de cinq plaintes de patients contre ce chirurgien, avait réuni une trentaine d’autres personnes pensant en être également victimes. Ce sont « à ce jour 80 personnes qui estiment que le résultat des opérations du chirurgien en cause n’est pas conforme au résultat promis et constitue un accident médical. Elles ont donc décidé de saisir mon cabinet », indique Edouard Bourgin.
« Tous les stades de handicap se retrouvent dans cette cohorte de patients », ajoute-t-il. Le cabinet de l’avocat étudie actuellement lesquels de ces témoignages peuvent aboutir à une plainte en bonne forme.
UN PREMIER HOMICIDE INVOLONTAIRE CE JEUDI
Le Parisien révèle en outre jeudi le cas d’un homme mort en 2017, des suites, selon ses proches, d’une opération pratiquée par ce chirurgien du dos. L’épouse et la fille du septuagénaire, mort fin 2017, relatent dans le quotidien comment ce médecin aurait décidé d’opérer, « sans proposer d’autres solutions » ni « demander d’autres examens », le retraité qui souffrait du dos.
« UNE ERREUR MÉDICALE »
En effet, le 6 septembre 2017, 24 heures avant l’opération, Noël arrive à la clinique des Cèdres d’Échirolles (Isère) où exerce le docteur. Noël souffre « d’une thrombose complète des deux artères fémorales ». « Ces artères étant totalement bouchées, on a pensé que son opération du dos allait être repoussée », confient Mauricette et Cécile.
Mais à la surprise générale, le docteur décide quand même d’opérer, « en concertation avec l’angiologue et l’anesthésiste », affirmera-t-il plus tard. Le 7 septembre 2017, après une arthrodèse (pose de matériel dans sa colonne), Noël se plaint dès son réveil de douleurs à la jambe droite. Rien de grave pour le docteur.
Deux semaines plus tard, le patient souffre de la jambe droite. Le verdict tombe : amputation de sa jambe. Il décède par la suite d’une infection généralisée le 4 novembre. L’épouse avait, selon le journal, évoqué « une erreur médicale » fatale dès le jour des obsèques. Aujourd’hui elle a « la haine contre ceux qui ont engagé cette opération alors que de nombreux facteurs la contre-indiquaient », et se dit prête à porter plainte.
« Après avoir beaucoup souffert, mon papa est décédé dans nos bras le 4 novembre 2017 », confie Cécile. Scandalisée par l’attitude du docteur « Il ne nous a même pas présenté ses condoléances. Avant la mort de mon père, il n’est passé le voir que deux fois en deux mois. Sans cette opération, mon papa serait encore là. On peut donc en vouloir à ce chirurgien si peu scrupuleux vis-à-vis de la santé de ses patients. »
La famille de Noël compte désormais se battre. Pour faire reconnaître la responsabilité du chirurgien et de la clinique des Cèdres. Elle veut porter plainte.
LE PRINCIPE DE LA RESPONSABILITÉ POUR FAUTE
La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients et à la qualité du système de santé a consacré le principe de la responsabilité pour faute du médecin. La cour de cassation l’avait dégagé en 1936 dans le célèbre arrêt « Mercier »[. En effet, l’article L. 1142-1 I du Code de la santé publique dispose que les professionnels de santé ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins « ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute ».
Autrement dit, la responsabilité d’un médecin n’est pas retenu en principe sauf si ce dernier a commis une faute dans l’exercice de son art. Ou que le patient a subi un dommage et qu’il existe bien un lien de causalité entre la faute du praticien et le dommage.
En l’absence de définition de la notion de faute par le législateur, les tribunaux considèrent qu’une faute simple du médecin suffit pour retenir sa responsabilité. Ils apprécient généralement la faute du médecin. Tout en se référant au comportement qu’aurait eu un médecin normalement compétent se trouvant dans une situation identique.
L’AFFAIRE EST LOIN D’ÊTRE TERMINÉE
C’est alors le premier homicide involontaire reproché au « chirurgien de l’horreur ». Sur la base d’une soixantaine de dossiers, le CNOM lui reproche d’avoir souvent décidé d’opérer sans disposer « de tous les éléments nécessaires » . Ni ne fournir « aucune explication convaincante » sur une trentaine de complications postopératoires. Il a aussi reçu un blâme en avril de l’ordre des médecins de Rhône-Alpes. Son avocat, Bernard Boulloud, a prévu de s’exprimer publiquement ce vendredi.
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