Le débat autour de la décision d’arrêt des soins de M. Vincent Lambert a occulté des questions judiciaires et éthiques. Retour sur une situation complexe, qui fera jurisprudence.
LES FAITS
Ce vendredi 10 mai 2019, le médecin du CHU du Reims en charge du suivi de M. Vincent Lambert a informé ses proches de sa décision d’arrêter ses traitements. Et ainsi de mettre en place dans la semaine du 20 mai une sédation profonde et continue, jusqu’au décès.
Depuis le 29 septembre 2008, jour de l’accident de la route qui a provoqué les importantes lésions cérébrales ayant laissé M. Vincent Lambert dans un état neuro-végétatif jugé irréversible par ses médecins, l’arrêt des soins a été prononcé à 5 reprises. C’est pourquoi ce processus décisionnel est complexe. En effet, cela concerne une personne en situation de handicap cérébral en « état d’éveil non-répondant ».
Depuis 2013, les membres de la famille de M. Vincent Lambert se livrent à une bataille juridique quant à l’arrêt des soins. D’une part la femme de M. Vincent Lambert qui est aussi sa tutrice légale depuis 2016, demande la sédation ainsi que l’arrêt de l’alimentation et de l’hydratation de son mari. Selon elle, avant son accident il a indiqué qu’il ne souhaitait pas d’acharnement thérapeutique. D’autre part, les parents de M. Vincent Lambert, qui s’opposent à l’euthanasie et demande son maintien en vie mais également son transfert en établissement spécialisé.
JURIDIQUEMENT PARLANT ?
Le Conseil d’État, dans sa décision du 24 avril 2019 validant l’arrêt des traitements, prend appui sur la loi du 2 février 2016 « créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ».
Or, M. Vincent Lambert n’est pas en fin de vie. Dès lors, et en l’absence de directives anticipées, un arrêt des soins ne peut être décidé que sur le fondement de l’obstination déraisonnable, par application de l’article L 1110-5-1 du Code de la santé publique. C’est à dire une situation dans laquelle les traitements destinés à maintenir une personne en vie sont inutiles, disproportionnés ou n’ont qu’effet de de maintenir artificiellement le patient.
Sauf que pour certains experts consultés au cours des quatre procédures collégiales successives, notamment ceux qui ont rendu le rapport du 22 novembre 2018, les soins prodigués à M. Vincent Lambert ne relèvent pas d’une obstination déraisonnable. Ils ne sont que l’accompagnement ordinaire d’une personne en état de conscience altérée.
QUE COMPRENDRE DE CETTE SITUATION ?
Par ailleurs, le maintien en vie de M. Vincent Lambert a été déterminé par une série d’expertises portant sur la nature de son handicap et son irréversibilité. Tout cela pour conclure qu’il était dans cette situation « d’état végétatif constant ». L’enjeu est en effet important : la décision concernant M. Vincent Lambert pourrait faire jurisprudence, ce contre quoi le Conseil d’État mettait en garde, dans son premier rapport. Que comprendre de cette situation ?
Tout d’abord que la notion « d’obstination déraisonnable » telle qu’elle existe dans le droit positif donne lieu à des comportements inadmissibles en la matière dans un contexte particulièrement sensible. Ensuite, que le débat n’est pas seulement juridique, mais également éthique : faut-il acter que la considération d’un handicap peut mesurer le critère majeur de l’obstination déraisonnable ?
Dans son rapport du 5 mai 2014, le Comité consultatif national d’éthique affirme que :
« La situation d’une personne qui est depuis plusieurs années dans un état de conscience minimale ou état pauci-relationnel représente une situation particulière et extrême de handicap lourd et stable, ne mettant pas en jeu le pronostic vital, qui est aussi celle d’autres personnes atteintes de polyhandicap et incapables d’exprimer leur volonté. »
Le Point.
Par ailleurs, il constitue une opportunité de réflexion sur les situations inhérentes à la chronicité de certaines maladies, aux conséquences des maladies évolutives ou aux handicaps sévères qui limitent ou abolissent les facultés cognitives, voire la vie relationnelle de la personne.
ARRÊT DES SOINS
L’arrêt des soins prodigués à Vincent Lambert a débuté ce lundi 20 mai, au CHU de Reims selon plusieurs sources proches de la famille.