Les SDF ne sont pas les bienvenus. C’est ce que sous-entendent les mobiliers urbains qui fleurissent dans les grandes villes. D’apparences anodines, ils sont parfois réfléchis pour faire fuir les sans-abris.

 

Une cérémonie qui fait de bruit

 

Il y a quelques jours, des concours un peu particuliers ont eu lieu en France. Lancés par la Fondation de l’Abbé Pierre et l’Association de Droit Au Logement de Toulouse (DAL), ils récompensent les pires dispositifs anti-SDF. Ces mobiliers urbains cherchent à empêcher une personne d’occuper un espace public de façon permanente. Plus concrètement, on les retrouve sous forme de bancs coupés en deux par un accoudoir, de chaises fixées au sol dans les parcs ou encore des grilles plus ou moins esthétiques au bord des vitrines.

 

Afin de « féliciter » les municipalités et commerçants usant de ce type d’installations, la Fondation de l’Abbé Pierre leur a décerné des prix aux noms loufoques et évocateurs.

A titre d’exemple, le prix « Ni vu ni connu » a été donné au dispositif le plus fourbe. L’ « heureux » gagnant est un hôtel Toulousain, avec ses pots de fleur géants et sa barre en métal.

 

Pots géants devant une vitrine pour éloigner les SDF

 

D’autres prix ont été attribués, allant du « Fallait oser » pour le dispositif le plus décomplexé au « C’est pas mieux ailleurs » pour le prix international.

 

Objectif de ces concours ? Sensibiliser l’opinion publique à ces mobiliers urbains qui pourraient passer inaperçus. Dans un même temps, il s’agit pour eux d’alerter les municipalités. A Toulouse, la DAL espère « que la mairie mette en place un arrêté municipal qui aille contre ce type de dispositifs et qui renoue avec la Convivencia toulousaine ».

 

Que dit la loi à propos les dispositifs anti-SDF ?

 

Des arrêtés municipaux, il y en a déjà eu. Néanmoins, ils allaient dans le sens inverse de ces associations. Ce fût notamment le cas durant l’été 2018 à Besançon, où la position assise ou allongée, relevant d’un obstacle pour la circulation, pouvait être punie d’une amende. Un arrêté clairement « anti-SDF » qui avait fait du bruit dans cette ville de « tradition humaniste ».

 

Concernant les dispositifs anti-SDF, la loi reste silencieuse. En effet, la question des sans-abris est depuis toujours source de désaccord.

 

Du point de vue du juriste, que peut-on en penser ? Lorsqu’une personne est dehors, sans possibilité d’aller dans un centre pour être logée et nourrie, par manque de place parfois, par peur d’autres fois, la rue devient sa maison.

 

A partir de là, deux façons de raisonner :

 

S’il s’agit d’un commerçant, qui entend rendre son propre bien inaccessible, au moyen de pots de fleurs ou de barrières, que peut-on lui reprocher ? Il est le maître absolu de son bien, et d’après l’article 544 du droit civil il a « le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par la loi ou les règlements ». Absence de loi, absence de restrictions donc.

 

Néanmoins, le raisonnement s’en voit modifié lorsqu’il s’agit d’une municipalité ou de l’Etat. Peuvent-ils délibérément empêcher un SDF de s’allonger dans la rue au moyen de mobiliers urbains ? Peut-on parler de non assistance en danger, si les centres manquent de places pour accueillir tout le monde ?

 

Il s’agit d’une question qui reste pour le moment sans réponse. Peut-être ces associations parviendront à rendre la loi plus claire et plus juste ?

 

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