Le contexte d’état d’urgence révoqué en novembre 2017 a laissé place à la « loi antiterrorisme ». Cependant la crise actuelle liée aux manifestations des « gilets jaunes » a poussé certains syndicats de police à réclamer la mise en place de l’état d’urgence. Ce qu’on ne sait pas, c’est si ce dernier serait efficace dans le cas des gilets jaunes.

 

Nous revenons sur quelques précisions afin de savoir où nous nous situons actuellement entre l’état d’urgence, la loi antiterroriste, les gilets jaunes etc.

L’état d’urgence

L’état d’urgence est, en France, une situation très spéciale. C’est une forme d’état prise par mesure de sécurité, permettant alors aux autorités administratives (c’est-à-dire le préfet ou le ministre de l’intérieur) de prendre des mesures allant à l’encontre des libertés individuelles, dans un but d’assurer la sécurité d’un pays. Ces restrictions concernent alors par exemple les interdictions de circulations, ou même la remise des armes à feu de certaines catégories.

Parmi les mesures les plus sévères, on cite la fermeture de certains lieux, les assignations à résidence, les perquisitions administratives, mais aussi, l’interdiction de manifester. Ce qui pose un problème dans le cas des gilets jaunes actuellement.

L’état d’urgence a été déclenché par l’ancien président François Hollande au lendemain des attentats du Bataclan, soit le 14 novembre 2015.

 

Le changement d’état

Après plus de 700 jours, l’état d’urgence sera finalement levé le 1er novembre 2017 par Emmanuel Macron. Une nouvelle mesure sera alors mise en place, par mesure de substitution, la loi antiterroriste.

Cette loi (LOI n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme) vise à s’intégrer dans le droit commun des mesures existantes dans ce régime d’exception.

 

La loi antiterroriste : ce que cela signifie vraiment

 

Comme évoqué précédemment, la loi antiterroriste transpose dans le droit commun, les dispositions principales du régime d’exception qui est l’état d’urgence.

Ce qui nous pousse alors à conclure que nous sommes dans un état d’urgence permanent, mais qui est banalisé, masqué, par les mesures qui sont simplement passées sous forme de lois. Ces dernières régissant la sécurité à l’intérieur du pays ; comme le fait déjà par exemple le code de la route.

 

Cependant, cette transposition est réalisée dans l’intérêt d’accroître les pouvoirs des autorités administratives (soit, les préfets), et cela au détriment du pouvoir judiciaire (autrement dit, les magistrats).

 

Entre autres, les nouveaux pouvoirs assignés aux autorités leur permettront de faire des perquisitions ainsi que des assignations à résidence administratives en dehors de l’état d’urgence.

 

Parmi les mesures mises en place, on cite :

  • Le périmètre de sécurité

Dans un but de sécurisation d’un lieu ou d’un événement (évidemment supposé et susceptible d’être exposé à un risque terroriste), les préfets pourront alors mettre en place des périmètres de protection. A cela s’ajoutera la possibilité d’inspecter et filtrer les gens souhaitant y pénétrer. Ces contrôles seront alors procédés par des agents de sécurités, ou des policiers municipaux.

 

  • La fermeture des lieux de culte.

La loi antiterroriste permettra également aux préfets de commander la fermeture administrative de lieux de culte ; mais cela seulement s’ils provoquent des actes de terrorises ou alors en font la propagande. Cela vise alors les « écrits », les « idées » ou encore les « propos tenus » qui seraient diffusées dans un but de soutient et encouragement au terrorisme.

L’exécution de la fermeture aura alors lieu sous certaines conditions, à savoir : elle ne durera pas plus de six mois et sera assortie d’un délai de 48 heure, permettant au gestionnaire du lieu de culte de déposer un recours suspensif au tribunal administratif.

Si cette mesure de fermeture est violée, elle est passible de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende.

 

  • Les assignations à résidence

Afin de contraster avec la situation de l’état d’urgence ; les assignations à résidence dans le cadre de la loi contre le terrorisme ne s’étendra pas seulement au domicile de de l’intéressé ; mais au territoire de la commune. Cela dans un but de lui permettre de poursuivre sa vie familiale et professionnelle.

La personne ne devra plus se présenter trois par jour au poste de police, comme le demande l’état d’urgence, mais seulement une fois.

Lors de cette assignation, le ministre ne pourra apporter qu’au bout de six mois des éléments nouveaux, permettant alors de prolonger la mesure en place. Cette dernière étant renouvelable tous les trois mois.

Lors de la commission, les policiers ont choisi de limiter à un an la durée totale d’assignation. Cependant, les personnes assignées devront d’une part fournir tous leurs numéros de téléphone, ainsi que tous les identifiants de communication électronique.

 

  • Les perquisitions et les saisies

Le préfet aura l’autorisation de faire procéder à des perquisitions, sous l’autorisation du juge des libertés et de la détention du TGI de Paris. Ces visites offriront la possibilité de saisir des documents et/ou données, dans un but de prévention du terrorisme ?

La personne qui fera l’objet de cette perquisition pourra être retenue pendant quatre heures. Cependant ces perquisitions ne pourront pas concerner les domiciles et lieux professionnels des avocats, journalistes et magistrats.

 

  • La radicalisation

Un fonctionnaire qui exerce des missions de souveraineté, ou bien un métier dans lequel il existe un lien avec la sécurité et la défense pourra être muté, ou complètement radié si une enquête administrative prouve sa radicalisation.

Cette procédure est également valable pour les militaires.

On évoque également que les radicaux « repentis » collaborant avec la justice à des fins d’enquêtes par exemple, feront l’objet d’une protection plus importante. La révélation de leur identité d’emprunt sera alors incriminée, ainsi que tout élément permettant sa localisation ou son identification.

 

  • Les données de passagers

Ce texte prévoit également la directive européenne qui autorise les services de sécurité à exploiter les données de passagers aériens ; comme les données d’enregistrement, d’embarquement, PNR, données de réservations etc.

Le même système est mis en place pour le transport maritime.

 

  • Les techniques de surveillance

Malgré l’interdiction des écoutes hertziennes censurées par le Conseil Constitutionnel le 21 octobre 2016 ; le projet de loi antiterroriste précise le cadre juridique pour procéder à celles-ci.

Il décide alors de prolonger jusqu’à 2020 le recours aux algorithmes sur les réseaux de communication ; cela dans le but de détecter des connexions susceptibles de révéler une menace terroriste.

 

  • Le contrôle aux frontières

Alors que l’espace Schengen et son code permet un contrôle d’identité aux frontières pendant une durée de six heures ; le texte élargit à douze heures la durée de ces contrôles. A cela s’ajoute le périmètre qui s’élargit aux abords gares ; en plus du périmètre déjà énoncé dans le code Schengen, qui concernait une zone de vingt kilomètres le long des frontières intérieures ; ainsi que les ports et aéroports, et gares ferroviaires et routières concernées par le trafic international.

 

Etat d’urgence et gilets jaunes

Serge Slama rapporte que dans le cas des gilets jaunes, l’Etat cherche simplement à opérer à des opérations coups de poing afin de réguler la situation ; et ainsi calmer le jeu pour assurer une sécurité aux citoyens. Appliquer l’état d’urgence à cette situation serait donc inadapté.

Les forces de l’ordre étant déjà très fortement mobilisées, déclencher cet état ne ferait qu’amplifier ce surmenage ; cela rendrait le dispositif inefficace, surtout si l’on tient compte du nombre d’heures de travail effectuées par les forces de l’ordre en ce moment ; les syndicats parlent de nuit de 4h de sommeil, et plus de 100 heures travaillées en 4 jours.

 

On évoque alors une solution qui serait de dissoudre les groupes d’extrême droite et extrême gauche ; à défaut de pouvoir assigner à résidence des gilets jaunes, dont les casseurs sont difficilement identifiables.

Une interdiction de manifester difficilement applicable

 

En effet, l’article 5 sur l’état d’urgence concernant les manifestations ; rapporte que les préfectures ont l’autorisation « d’interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté ». Une interdiction difficilement applicable car jugée trop floue et pas assez encadrée. Après réécriture de la loi relative à l’état d’urgence, les déplacements d’une personne peuvent désormais être interdit si « à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ». Encore faudrait-il pouvoir le prouver…

 

Tous ces éléments laissent penser que la France est en état d’urgence, alors que non. Le sentiment d’insécurité des français est donc toujours présent. De plus, il faudra trouver un autre moyen pour encadrer les manifestations de gilets jaunes ; ces dernières débordant de plus en plus.

 

Voir d’autres articles :

 

http://institut-ulpien.com/vandalisme-gilets-jaunes/

http://institut-ulpien.com/meurtre-breaking-bad/